Alexandre Couilliot, associé du cabinet Friedland (intervenant pour la première fois en cause d’appel) a obtenu une relaxe et la restitution d’un bien immobilier confisqué devant la Cour d’appel de Versailles aux côtés du cabinet Bettan Demaret Avocats, aux termes d'un arrêt ayant pris en compte l’absence d’élément intentionnel en matière de recel et ayant rappelé l’exigence de personnalisation s’appliquant également à la peine complémentaire de confiscation.
Un couple avait été condamné en première instance respectivement pour abus de bien sociaux, faux, usage de faux et travail dissimulé s’agissant du mari, et pour recel de biens provenant d’un délit s’agissant de son épouse.
Le Tribunal correctionnel de Chartres avait également ordonné la confiscation du domicile familial saisi au cours de l’enquête.
Pour mémoire, le recel, prévu et réprimé notamment à l’article 321-1 du Code pénal, exige un élément intentionnel. Le receleur doit en effet avoir conscience que la chose qu’il dissimule, détient, ou transmet (y compris en qualité d’intermédiaire), ou dont il profite, provient d’un crime ou d’un délit.
S’agissant de la peine complémentaire de confiscation, celle-ci est notamment prévue par l’article 131-21 du Code pénal et vise principalement les biens qui ont servi à commettre l’infraction ou en constituent le produit, tout en devant respecter une exigence dite de proportionnalité.
En application d’une jurisprudence critiquable, cette exigence n’aurait toutefois pas vocation à s’appliquer lorsque la confiscation est prononcée « en valeur », c’est-à-dire en substituant à la confiscation du produit direct de l’infraction, devenue impossible, la confiscation de tout autre bien du condamné non directement lié à ladite infraction mais dont la valeur estimée permet de couvrir le montant dudit produit.
Tel était le cas en l’espèce, puisque le Tribunal correctionnel avait estimé que le produit de l’infraction de travail dissimulé s’élevait à 127 153 € et, cette somme n’étant pas disponible pour confiscation, avait décidé de saisir en valeur le domicile familial du couple estimé à 96 000 € par le Service des Domaines.
Il a d’abord été rappelé à la Cour d’appel que le recel implique un élément intentionnel, qui faisait défaut en l’espèce compte-tenu notamment de la situation personnelle de l’épouse prévenue, comme de son absence totale de maîtrise de la langue française et de connaissance du caractère illégal des faits qui lui étaient reprochés. Cette argumentation a été suivie par la Cour d’appel, qui a convenu que cette dernière « [avait] pu agir sans avoir conscience que le détournement des espèces et des tickets restaurant remis à la société par les clients était de nature illicite » et en a conclu qu’elle « [avait] donc agi sans intention frauduleuse, se contentant de mettre à exécution un mode de fonctionnement des dépenses familiales géré et organisé par son époux ».
Le jugement a donc été infirmé et cette dernière a été relaxée.
Concernant la confiscation, si la Cour d’appel a soutenu qu’il n’y avait pas d’exigence de proportionnalité de cette peine complémentaire avec le droit de propriété ou le droit au respect de la vie privée s’agissant d’une confiscation en valeur, elle a également rappelé les termes de l’article 132-1 du Code pénal qui exige en tout état de cause une personnalisation de la peine à la situation socio-professionnelle du prévenu et au cas d’espèce, notamment dans le but de favoriser l’amendement, l’insertion ou la réinsertion de ce dernier.
Ce faisant, la confiscation prononcée en première instance a été annulée aux motifs « qu’il [s’agissait] du domicile familial dans lequel résident les trois enfants mineurs du couple ; qu’il [s’agissait] de la première condamnation [du prévenu] pour des faits de cette nature ; que la peine d’emprisonnement partiellement assortie du sursis probatoire avec notamment l’obligation de réparer le dommage causé par l’infraction et l’interdiction de gérer [paraissaient] suffisantes pour prévenir le risque de récidive ; que dans ces conditions, la confiscation de ce bien ne [paraissait] pas appropriée ».
La Cour d’appel a donc ordonné la restitution du bien aux termes de cette décision qui insiste fort opportunément sur la nécessaire personnalisation des peines, y compris complémentaires.
Alexandre Couilliot
Avocat Associé, Friedland AARPI
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