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Le contrôle des investissements étrangers en France à l’heure du COVID-19


Le Ministre de l’Économie et des Finances a annoncé, le 29 avril dernier, une adaptation de la procédure de contrôle des investissements étrangers en France (IEF) dans le contexte de la crise sanitaire en cours. Cette adaptation s’articule autour de deux axes : l’inclusion pérenne des biotechnologies dans la liste des technologies critiques couvertes par le contrôle IEF et, jusqu’au 31 décembre 2020, l’abaissement à 10% du seuil de détention des droits de vote d’une société cotée déclenchant la procédure, pour les investisseurs issus de pays-tiers.



Retour sur l’accroissement constant du contrôle des investissement étrangers en France.


La France est dotée de l’un des régimes de contrôle des investissements étrangers les plus anciens au sein de l’Union européenne issu de la loi n°66-1008 du 28 décembre 1966. Ce régime a, par la suite, été constamment renforcé, ses derniers aménagements résultant de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019, dite « Loi Pacte », complétée par un décret n°2019-1590 et un arrêté du 31 décembre 2019 qui ont renforcé l’arsenal juridique de contrôle des investissements étrangers en précisant le domaine des opérations soumises au contrôle et en étendant les pouvoirs répressifs alloués au Ministre de l’Economie et des Finances. Ces nouvelles dispositions sont applicables depuis le 1er avril 2020.


Un protectionnisme national renforcé en période de crise sanitaire à l’initiative de la Commission européenne


La Commission européenne a exposé le 26 mars 2020 ses « orientations à l’intention des Etats membres concernant les investissements directs étrangers et la libre circulation des capitaux provenant de pays tiers ainsi que la protection des actifs stratégiques européens, dans la perspective de l’application du Règlement (UE) 2019/452 (règlement sur le filtrage des IDE) ».


Les Etats membres sont donc invités (i) à faire pleinement usage de leurs mécanismes internes de contrôle des investissements étrangers dès lors qu’ils sont susceptibles de constituer un risque pour les infrastructures de soins de santé et autres secteurs essentiels et, (ii) pour ceux qui n’en disposent pas, de mettre en place un mécanisme complet de filtrage ou d’utiliser tous les autres outils disponibles qui s’avéreraient nécessaires.


Bref panorama des initiatives menées par nos voisins européens


La France a été précédée par de nombreux pays européens dans la mise en place de stratégies de protection des secteurs clefs en cette période particulière de crise sanitaire. En avril, l'Italie a notamment ajouté la finance et les assurances aux secteurs soumis au contrôle du gouvernement et a abaissé le seuil de contrôle jusqu'à 5 % du capital pour une partie de ses entreprises. L'Allemagne, qui a déjà revu son seuil de contrôle fin 2018 à 10 %, exige, à la suite de la pandémie, un droit de regard sur le rachat d'acteurs du secteur de la santé. Le gouvernement espagnol a lui aussi renforcé sa règlementation des investissements étrangers en étendant la vigilance à toutes les acquisitions de plus d'un million d'euros faites par des investisseurs contrôlés à plus de 25 % depuis un État situé hors du territoire. Outre-manche, le Royaume-Uni réfléchit aussi au renforcement de ses barrières pour empêcher des investisseurs étrangers de prendre le contrôle d'entreprises stratégiques.


La réponse française en deux axes


Dans le contexte de la crise actuelle liée au Covid-19, et afin de protéger les secteurs clés de l'économie, le Ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a annoncé le 29 avril 2020 que l'Etat français allait renforcer d’avantage le contrôle des investissements étrangers via deux mesures :

  • l'inclusion des biotechnologies, par arrêté publié au Journal Officiel le 30 avril 2020, dans la liste des technologies critiques soumises au contrôle de l'Etat. Cette modification sera effective le 1er mai 2020 ; et

  • l’abaissement, pour les entreprises stratégiques cotées, du seuil à partir duquel la prise de participation d'un investisseur non-européen sera contrôlée et soumise à une approbation de Bercy, à 10 % du capital (contre 25 % des droits de vote actuellement). Cette seconde annonce, qui pour l'heure ne s'est pas traduite par un décret d’application, entrerait en vigueur au second trimestre pour se terminer le 31 décembre 2020.


Une réponse sectorielle


Conséquence immédiate et logique de la crise sanitaire, le secteur des biotechnologies a été ajouté à la liste des technologies critiques protégées par la procédure de contrôle des IEF par l’arrêté du 27 avril 2020.


Bien que le Ministère de l’Economie et des Finances ait indiqué que seraient concernées « toutes les biotechnologies », en l’absence de précisions particulières quant aux domaines couverts par les biotechnologies, les investisseurs étrangers se devront donc dorénavant d’être vigilants avant de réaliser tout investissement en ce domaine et, par mesure de prudence, opter pour la procédure de rescrit prévue par l’article R 151-4 du Code monétaire et financier permettant de saisir pour avis le Ministère de l’Economie et des Finances, afin de savoir si l’opération projetée est soumise à autorisation.


Un accroissement renforcé temporaire de la protection des sociétés cotées


Les entreprises françaises cotées font actuellement face à une plus grande volatilité des cours de leurs actions du fait de l’incertitude et de la récession induites par la crise sanitaire.


Une telle volatilité a pour conséquence directe de faire des sociétés françaises cotées des cibles d’opérations susceptibles de se révéler déstabilisatrices.


Le Ministère de l’Economie et des Finances a donc décider d’abaisser jusqu’au 31 décembre 2020 le seuil de franchissement visé à l’article R. 151-2 du Code monétaire et financier pour les seules sociétés cotées.


Dès lors, jusqu’au 31 décembre 2020, toute opération d’un investisseur étranger non-européen ayant pour effet le franchissement, direct ou indirect, seul ou de concert, du seuil de 10% des droits de vote d’une société de droit français cotée, devra faire l’objet d’une demande d’autorisation.


Il est ainsi précisé que l’investisseur étranger envisageant le franchissement du seuil de 10% notifie le Ministère de l’Economie et des Finances. Celui-ci dispose de 10 jours pour indiquer si l’opération nécessite un examen plus approfondi, prenant la forme d’une demande d’autorisation complète conformément à l’article R. 151-6 du Code monétaire et financier.


Le texte n’a pas encore été définitivement adopté et devra être transmis au Conseil d’Etat prochainement pour une application qui pourrait intervenir à compter du 1er juillet 2020.


Jonathan Djenaoussine

Avocat Associé, Friedland AARPI


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