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Report d’imposition 150-0 B ter : mécanisme, risques et comparaison avec le sursis 150-0 B

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    Friedland
  • il y a 2 jours
  • 6 min de lecture

Article rédigé par Maître Nabil Addad, Avocat fiscaliste à Paris - naddad@friedlandco.com


Le droit fiscal français prévoit plusieurs régimes destinés à neutraliser temporairement l’imposition des plus-values lors des opérations d’apport ou d’échange de titres. Deux dispositifs structurants se distinguent :


  • le sursis d’imposition (article 150-0 B du CGI),

  • le report d’imposition (article 150-0 B ter du CGI).


Le report d’imposition 150-0 B ter constitue un mécanisme fiscal central pour les opérations d’apport de titres, notamment en matière d’apport-cession. Il se distingue du sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B et répond à des objectifs et contraintes spécifiques.


Comprendre ces différences est déterminant pour sécuriser un apport de titres, anticiper l’impact d’une cession ultérieure ou analyser les risques attachés à une opération au regard de l’abus de droit.


  1. Sursis d’imposition (150-0 B) vs report d’imposition (150-0 B ter) : une distinction fondamentale


1.1. Le sursis d’imposition : neutralité totale et automatique


Le sursis d’imposition (article 150-0 B du CGI) s’applique aux échanges ou apports de titres réalisés dans un cadre sociétaire prévu par la loi (fusions, scissions, apports à une société soumise à l’IS, etc.).


Points clés :


  • la plus-value n’est pas constatée lors de l’opération ;

  • aucune déclaration spécifique n’est requise l’année de l’échange ;

  • l’imposition interviendra uniquement lors de la cession ultérieure des titres reçus en échange.


En conséquence, le sursis est un différé absolu, sans constatation ni report formel de plus-value.


1.2. Le report d’imposition entraîne la constatation de la plus-value, mais permet de bénéficier d’une imposition différée


Le report d’imposition (article 150-0 B ter du CGI) vise spécifiquement :


  • les apports de titres à une société contrôlée par l’apporteur,

  • la mise en place de holdings animatrices ou purement patrimoniales,

  • les restructurations patrimoniales internes.


En somme, la particularité majeure est qu’une plus-value est constatée et déclarée, mais son imposition est différée jusqu’à la réalisation d’un événement taxable (cession des titres reçus, non-respect des réinvestissements, transfert de domicile fiscal…).


Obligations lourdes :


  • déclaration initiale via le formulaire 2074-I,

  • report annuel jusqu’à l’événement de liquidation du report,

  • obligations déclaratives de la société bénéficiaire.


Le report d’imposition 150-0 B ter présente des avantages significatifs mais exige une maîtrise rigoureuse du cadre fiscal.


1.3. Finalité commune mais contraintes distinctes

Critère

Sursis (150-0 B)

Report (150-0 B ter)

Constatation de la plus-value

❌ Non

✔️ Oui

Déclaration initiale

❌ Non

✔️ Oui

Déclaration annuelle

❌ Non

✔️ Oui

Conditions de contrôle

❌ Non

✔️ Oui (>50 %)

Réinvestissement obligatoire ?

❌ Non

✔️ Oui en cas de cession dans les 3 ans

Complexité juridique

Faible

Élevée

Risque d’abus de droit

Modéré

Très élevé, dispositif surveillé

Le sursis est un mécanisme de neutralité fiscale simple.Le report d’imposition 150-0 B ter est un régime technique, risqué, exigeant, conçu pour encadrer les opérations d’apport-cession.


  1. Le régime du report d’imposition (150-0 B ter) : conditions et fonctionnement


2.1. Personnes et opérations concernées


Le dispositif vise les personnes physiques fiscalement domiciliées en France, imposables à l’IR, apportant des titres relevant de l’article 150-0 A.


Les apports par personnes morales ne sont pas éligibles.


2.2. Conditions relatives aux titres et à la société bénéficiaire


  • titres éligibles : actions, parts sociales, valeurs mobilières ;

  • société bénéficiaire soumise à l’IS ;

  • contrôle de l’apporteur au sens du II de l’article 150-0 B ter (>50 % des droits financiers ou de vote, direct ou indirect) ;

  • société établie en France, UE, EEE ou État avec convention d’assistance administrative.


2.3. Effet du report : un différé de taxation jusqu’à un événement de sortie


Le report prend fin principalement en cas de :


  • cession, rachat, remboursement ou annulation des titres reçus ;

  • cession par la holding, dans les 3 ans, des titres apportés sans réinvestissement éligible ;

  • transfert de domicile fiscal hors de France (application de l’exit tax).


    Les conditions de réinvestissement : un point de vigilance majeur

Lorsque la société bénéficiaire cède les titres apportés dans les 3 ans, elle doit réinvestir au moins 60 % du produit de cession dans les 2 ans dans des activités éligibles.


3.1. Nouveautés législatives 2024 : fonds d’investissement et quota des 75 %


Depuis la loi de finances pour 2024 et le décret du 10 juin 2024 :

  • les investissements via FCPR, FPCI, SLP, SCR sont encadrés par un quota minimum de 75 % d’investissements éligibles dans les 5 ans ;

  • en cas de non-respect, la plus-value en report peut devenir immédiatement imposable.


3.2. Difficultés pratiques


Des risques apparaissent :


  • l’apporteur n’a pas le contrôle de la stratégie d’investissement du fonds ;

  • certains fonds communiquent peu sur le respect des quotas ;

  • la doctrine fiscale peut apprécier strictement l’éligibilité des réinvestissements.


Une due diligence des supports d’investissement est indispensable dans le cadre de la mise en place du report d’imposition 150-0 B ter.


  1. Mobilité internationale et exit tax : articulation avec le report


Le transfert du domicile fiscal hors de France constitue en principe un événement mettant fin au report.


4.1. Cas de sursis automatique


Le sursis est automatique lorsque le contribuable s’installe :


  • dans l’Union européenne,

  • dans l’EEE disposant d’une assistance administrative,

  • et dans certains pays ayant conclu une convention spécifique.


4.2. Cas nécessitant un sursis sur option


Pour les autres États :


  • un sursis de paiement sur option est possible,

  • il doit être demandé au moins 90 jours avant le départ,

  • il nécessite la constitution de garanties réelles ou bancaires.


4.3. Cas où l’imposition devient exigible immédiatement


Sans convention ou sans garanties suffisantes, l’impôt est dû au moment du départ, y compris pour la plus-value en report.


  1. Obligations déclaratives : un formalisme strict et pénalisant


L’article 150-0 B ter du CGI prévoit que le report d’imposition est maintenu sous réserve du respect de plusieurs conditions, notamment déclaratives. En cas de donation des titres, le donataire doit mentionner le montant de la plus-value en report dans la déclaration prévue à l’article 170 du CGI, proportionnellement aux titres reçus. Le donateur, quant à lui, doit corriger sa propre déclaration pour retrancher cette part du report initial.


Le formulaire 2074-I est spécifiquement requis pour déclarer la plus-value en report lors de l’année de l’apport, et son absence peut entraîner des conséquences fiscales. De plus, les obligations documentaires imposées à la société holding, telles que la fourniture d’attestations, sont essentielles pour garantir le maintien du report.


Le non-respect des obligations déclaratives peut entraîner la déchéance du report d’imposition et l’imposition immédiate de la plus-value.


  1. Risque d’abus de droit : un terrain particulièrement sensible


La DGFiP surveille activement les opérations d’apport-cession, notamment en cas de montages abusifs. Depuis 2014, elle publie sur son site une « Carte des pratiques et montages abusifs », qui recense des schémas susceptibles de requalification en abus de droit. Parmi ces schémas figure celui de l’apport de titres à une société contrôlée par l’apporteur, suivi d’une cession à titre onéreux dans un délai de trois ans, sans justification économique réelle .


L’administration fiscale a explicitement indiqué dans sa doctrine qu’elle peut remettre en cause ces opérations sur le fondement de l’abus de droit si elles ne présentent pas d’intérêt économique pour la société bénéficiaire de l’apport et sont uniquement motivées par la volonté de l’apporteur d’échapper à l’imposition des plus-values ou des distributions.


Ces pratiques sont considérées comme un détournement des objectifs des dispositifs de report et de sursis d’imposition, qui visent à faciliter les restructurations d’entreprises .


Le Comité de l’abus de droit fiscal a publié des avis favorables à l’administration concernant la requalification en abus de droit de montages dépourvus de substance économique réelle. Par exemple, dans l’avis n° 2016-20, le Comité a confirmé que des montages visant uniquement à appréhender des liquidités en franchise d’impôt peuvent être qualifiés d’abusifs.


Le respect formel des conditions légales, telles que les 60 % de réinvestissement, ne suffit pas à écarter la qualification d’abus de droit si l’opération manque de substance économique.


  1. Intérêt du dispositif et mise en garde


Le report d’imposition prévu à l’article 150-0 B ter est un outil puissant de planification fiscale, permettant de réorganiser un groupe ou un patrimoine sans imposition immédiate. Mais il s’agit d’un régime complexe, soumis à :


  • des conditions strictes de contrôle ;

  • des obligations déclaratives lourdes ;

  • des contraintes de réinvestissement exigeantes ;

  • une surveillance accrue de l’administration fiscale.


Ce dispositif peut s’avérer très contraignant selon les objectifs du dirigeant et comporte le risque de se transformer, dans certains cas, en véritable piège fiscal. Il est donc essentiel d’analyser attentivement le profil du bénéficiaire et ses perspectives avant de s’y engager.


À l’inverse, le sursis d’imposition de l’article 150-0 B, plus simple et automatique, s’applique à des opérations de restructuration prévues par le législateur.


La distinction entre les deux dispositifs est donc essentielle pour sécuriser juridiquement une opération, anticiper les risques d’abus de droit et optimiser la fiscalité de l’apporteur.


En pratique, la mise en œuvre de ces dispositifs exige une analyse fine des enjeux fiscaux, juridiques et patrimoniaux propres à chaque situation. Pour sécuriser vos opérations d’apport, anticiper les risques et optimiser votre stratégie, Nabil Addad, avocat fiscaliste à Paris, peut vous accompagner à chaque étape.


Lien vers la publication d'origine : Report d’imposition 150-0 B ter : mécanisme, risques et comparaison avec le sursis 150-0 B https://addad-avocat.com/2025/12/01/report-dimposition-150-0-b-ter-mecanisme-risques-et-comparaison-avec-le-sursis-150-0-b/

 
 
 

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